Comment utiliser les moyens militaires globaux dans le cadre continental et intercontinental ?

INTRODUCTION

Pour la commodité de l’analyse nous reformulons la question de la manière suivante : « En cas de nouvelle crise, quelle qu’en soit l’origine et la nature, comment utiliser les moyens militaires globaux dans le cadre continental et intercontinental. »
Ce sous thème relativement ouvert, permet d’aborder le thème de la défense de manière globale. Le cadre de l’utilisation des moyens militaires n’est plus seulement celui d’une crise sanitaire mais celui d’une crise dont l’origine et la nature peuvent être toutes autres. Il s’agit bien de l’utilisation de moyens globaux et non uniquement des moyens sanitaires de l’armée française. Enfin, le périmètre de l’action n’est pas limité au seul territoire national mais doit être envisagé d’une part sous l’angle européen et d’autre part à l’échelle mondiale.

1 - UNE APPROCHE GLOBALE

La notion d’approche globale est relativement récente et a été conceptualisée au cours de la décennie 1990-2000, en réponse à de nouveaux conflits, tel celui du Kosovo aux caractéristiques multidimensionnelles. Les grandes organisations internationales s’en sont emparé, à commencer par l’ONU et l’OTAN qui dans son troisième concept stratégique indique ceci : « l’alliance est attachée à une approche globale de la sécurité, qui reconnaît l’importance des facteurs politiques, économiques, sociaux et environnementaux. » Au niveau de l’union européenne, la Direction de la Planification et de la Gestion de Crise intègre davantage la coordination de l’action civilo-militaire dans une optique d’approche globale. Enfin la France, tant dans son concept de gestion de crise publiée en 2007 que dans le livre blanc sur la défense de 2008, prend en compte la nécessité d’une approche globale pour la gestion des crises complexes.
Il ne faut pas oublier que le premier rôle de l’armée de la nation et d’assurer sa défense contre tout agresseur et qu’en cas de conflit le Service de Santé des Armées est aux services des militaires blessés en opérations. Toutefois, force est de constater, que les armées, que ce soit celles de la France ou celles d’autres nations, sont sollicitées pour intervenir dans d’autres cas de protection des populations. C’est notamment le cas des interventions lors de crises sanitaires mais aussi en cas de catastrophes naturelles ou de crises humanitaires majeures. Ces différents types d’interventions nécessitent la mise en œuvre de moyens globaux importants qu’ils soient purement militaires ou déployés en complément de moyens civils.
Il ne nous est pas possible, dans le cadre imposé, d’aborder ces différents cas d’interventions mais, actualité oblige, nous allons pouvoir cibler notre contribution sur le cas des crises sanitaires et sur les moyens nécessaires à mettre en œuvre.

2 - DES MOYENS CIBLES

Depuis le début de la crise sanitaire de la Covid-19, le ministère des armées poursuit ses missions de défense de protection de la nation et des Français. Il participe à freiner la propagation du virus en mettant du matériel, des compétences et du personnel en soutien des services de santé publique. Voyons tout d’abord, sans entrer dans les détails, quels sont les moyens qui ont été mis en œuvre par le ministère français des armées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 tant au niveau de l’Hexagone que dans les départements et territoires d’outre-mer. Voici quelques actions significatives parmi beaucoup d’autres :

  • lancement le 25 mars 2020 par le président de la république de l’opération « résilience » avec par exemple, la mise en place d’unités d’appui sanitaire (UAS), le transfert vers l’Allemagne et la Suisse de patients pour dégager les hôpitaux du grand est avec deux hélicoptères CAÏMAN NH90 et la protection des sites sensibles de stockage de matériel médical ;
  • intervention du service de santé des armées (SSA) qui a activé cinq de ses huit hôpitaux d’instruction des armées ;
  • déploiement de l’élément militaire de réanimation (EMR) en appui de l’hôpital de Mulhouse avec une centaine de personnels médicaux ;
  • transfert de patients vers Bordeaux avec un A330 MRTT Phénix équipé du module Morphée (module de réanimation et évacuation longue distance) ;
  • évacuation de patients depuis Ajaccio à bord du Tonnerre porte hélicoptère amphibie ;
  • mise à disposition par le ministère des armées de cinq millions de masques chirurgicaux.
    Etc.
    La difficulté est maintenant de pérenniser ces facultés d’interventions et de les augmenter dans la mesure du possible. La France, grande puissance mondiale, membre du conseil de sécurité de l’ONU, du commandement de l’OTAN et désormais seule puissance nucléaire de l’Europe, se doit d’avoir les moyens militaires nécessaires pour faire face en cas de crise quelle qu’en soit la nature.
    Pour répondre à la question, il est nécessaire de poser la question du budget et des lois de programmation militaire. La marine française possède des navires d’accompagnement tels que des portes hélicoptères amphibies (PHA) et des bâtiments de soutien santé (BSS). Nos forces armées sont globalement bien dotées en équipements sanitaires et il dépend du Président de la République, chef suprême des armées, de les affecter temporairement à une mission civile. Toutefois nous pensons que la France devrait se doter de deux porte-avions, l’un à propulsion nucléaire et l’autre à propulsion mixte (fioul/gaz ou fioul/électrique) afin d’en avoir en permanence un à la mer lorsque l’autre est en maintenance. Il y va de la crédibilité et l’efficacité de nos forces tant sur le plan militaire que sur celui de la coopération civilo-militaire en temps de crise. N’oublions pas également que la France est la première nation maritime au monde compte tenu de ses nombreux territoires et départements d’outre-mer et qu’elle se doit en conséquence de posséder des moyens maritimes suffisants pour pouvoir effectuer des interventions aux quatre coins du monde.

3 - UN CADRE D’ACTION ELARGI

L’action de la France s’inscrit naturellement dans le concert des nations. Les circonstances et la situation internationale actuelle tendue, invitent à repenser cette action. Notons comme point essentiel, la volonté affichée par les USA de se retirer de l’Europe du fait de la fin de la guerre froide et d’une volonté de repli sur elle-même. Le président actuel des États-Unis, Donald Trump n’a aucune sympathie pour l’Europe et souhaite même son affaiblissement. L’organisation du Traité de l’Atlantique Nord est de fait menacé et voit ses capacités d’intervention amoindries. C’est donc à l’Europe de renforcer sa politique européenne de sécurité et de défense (PESC). Sur le plan purement sanitaire un certain nombre d’agences et d’institutions existe déjà au niveau européen tel que :

  • l’EAHC : agence exécutive pour la santé et les consommateurs ;
  • l’ECDC : centre européen de prévention et de contrôle des maladies ;
  • l’EMA : agence européenne des médicaments ;
  • l’EFSA : autorité européenne de sécurité des aliments.
    Les états membres ont également accepté de se prêter assistance mutuelle en cas de catastrophes ou de maladies extrêmement graves. Depuis le traité de Maastricht de 1992 qui institue l’Union Européenne, la santé publique est inscrite dans le traité fondateur. Le traité d’Amsterdam de 1997 à encore renforcé ces dispositions. L’union européenne peut désormais adopter des mesures visant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine. L’approche consistant à intégrer les questions de santé dans toutes les politiques, codifiées dans le traité de l’union européenne et la charte des droits fondamentaux, tient compte de la nature tran-sectorielle des questions de santé publique et vise à intégrer les aspects sanitaires dans toutes les politiques pertinentes.
    Cependant la crise sanitaire que nous traversons montre une nouvelle fois que chaque nation souhaite garder une relative indépendance et peine à mettre à disposition des autres pays ses propres moyens. Il nous paraît utile de repenser l’Europe de la défense dans un but d’harmonisation des règles actuellement en vigueur et de renforcement des coopérations.
    C’est ce constat qui nous amène à proposer la création d’une nouvelle Communauté Européenne de Défense intégrant les aspects sanitaires et les positionnant à leur juste place avec des moyens augmentés. Il ne s’agit pas de reprendre les motivations et les propositions faites dans le traité européen du 27 mai 1952, rejeté par la France le 30 août 1954, les circonstances et la situation internationale actuelle n’ayant plus rien à voir avec celle de l’époque. La France devra s’inscrire pleinement et tenir toute sa place dans cette nouvelle politique européenne de sécurité et de défense et notamment concernant son volet sanitaire. Pour en revenir au libellé de la question que nous avons à traiter il est clair que la France se doit de revoir son engagement :
  • sur le territoire métropolitain : en tirant les leçons de l’opération « résilience » et en renforçant les coopérations civilo-militaires en matière de protection des populations ;
  • au plan européen : en étant moteur d’une réorganisation du système, en rassemblant ce qui est épars, au sein d’une nouvelle communauté européenne de défense que la France devra impulser ;
  • au niveau mondial : en utilisant principalement les moyens de santé de l’armée pour nos territoires ultramarins, nos capacités de projection sur de grandes distances, permettant de mettre en place rapidement des moyens importants de manière ponctuelle.

CONCLUSION

Ce sous-thème consacré à la défense sous ses aspects globaux, se complétera et se nourrira utilement des réflexions menées sur d’autres sous thèmes liés à la défense, comme par exemple ceux consacrés à la fusion des services de santé des armées au sein de l’union européenne, la création d’un centre stratégique militaire européen ou bien encore la création d’une école de santé des armées à l’échelle européenne. Au terme de notre contribution nous souhaitons réaffirmer :

  • la nécessité d’une vision globale de la défense au niveau européen, incluant à leur juste place les problématiques d’ordre sanitaire ;
  • la nécessité d’un effort financier plus important pour doter la France des moyens opérationnels dont elle a besoin ;
  • la nécessité d’avoir une vision large du théâtre d’opérations en cas de crise.
    Armée et nation sont un seul et même corps et nous sommes tous héritiers des soldats de l’an II. Cela doit être pensé comme une réalité permanente. Cette crise sanitaire a démontré que le peuple français savait se ressaisir et retrouver l’état d’esprit qui anima les vainqueurs de Valmy. Nous sommes un peuple avec une longue tradition humaniste, qui dans la tourmente se retrouve pour faire front et faire nation. C’est notre but et notre honneur.
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