Pour une meilleure défense sanitaire

En quoi les Armées peuvent-elles aider dans l’affrontement d’une crise sanitaire comme celle que nous avons vécue avec la pandémie de la Covid-19 ?
Il faut noter que le problème de la Défense dépasse de beaucoup ce qui concerne « Les Armées », qui sont chargées des aspects militaires de la défense. Si on parle de Défense Nationale, ou de Défense Européenne, la défense doit s’entendre contre les agressions de toute nature. En l’état actuel, dans notre politique de défense, le rôle des Armées tend à se limiter à une politique d’intervention en appui de la politique extérieure, et à la fourniture de moyens d’appoint à la sécurité intérieure. Or la Défense doit prendre en charge toutes les menaces, venant de l’intérieur comme de l’extérieur, mettant en cause la sécurité du territoire et la sauvegarde de la population. Il faut donc élargir la réflexion sur le concept de défense à bien d’autres formes de la sécurité ; l’élargir à la sécurité économique au moins, et ici à la sécurité sanitaire.
La question de la défense sanitaire est pertinente. Le risque de pandémie devient de plus en plus probable avec la mondialisation de la circulation et des échanges de toute nature, et avec l’évolution climatique et écologique provoquant du désordre dans les phénomènes naturels. Avec le réchauffement du climat, qui provoque le dégel du permafrost en Sibérie, en Alaska… certains géologues évoquent le risque d’une libération dans l’atmosphère de micro-organismes fossiles, dangereux. Il faut aussi noter le risque d’utilisation de germes pathogènes, d’agents chimiques ou d’éléments radioactifs, dans des confrontations guerrières plus ou moins ouvertes et dans les actions terroristes. Enfin l’augmentation continue de la densité des populations dans de grandes métropoles, accroît la rapidité de propagation des épidémies.
À l’occasion de cette crise de la Covid-19, il est apparu que l’autorité politique a été surprise au départ, et qu’elle a été mal informée par la suite. Enfin, il a semblé que les moyens militaires de la Défense Nationale, ne sont intervenus que tardivement et peu. Il est donc nécessaire pour l’avenir de remédier à ces défauts, par la mise à hauteur dans la politique de défense nationale, d’une composante « défense nationale sanitaire », dans laquelle les Armées et le Service de Santé des Armées (SSA), auraient un rôle plus important qu’à l’heure actuelle.
Dans ce cadre d’une défense sanitaire, l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre un danger sanitaire exceptionnel, notamment une pandémie, devrait prévoir la mobilisation des moyens militaires avec les missions suivantes :
1) protéger les personnels des Armées à la menace sanitaire et assurer la continuité des missions militaires opérationnelles ;
2) coopérer étroitement avec la Santé publique dans la lutte contre la menace sanitaire ;
3) intervenir en appui des ministères civils ; pour le maintien de l’ordre et la lutte contre le danger sanitaire ;
4) fournir de l’aide aux partenaires étrangers.
Dans le cadre de la Défense sanitaire, les Armées, avec notamment le Service de Santé des Armées, apporteraient leur contribution, dans trois domaines : information, formation, prévention.

INFORMATION
Une politique de défense sanitaire, conduite par une direction particulière du ministère de la Santé, devrait en premier lieu organiser l’information sur les risques sanitaires et la détection de la menace ; et pour cela mettre en œuvre un dispositif national de renseignement et d’alerte de sécurité sanitaire, reliant tous les organismes santé, civils et militaires. La présence d’un officier du Service de Santé auprès de l’attaché de défense dans les missions diplomatiques à l’étranger pourrait y contribuer utilement, ainsi que l’échange d’officiers de liaison auprès des services de santé des armées alliées ou amies.

FORMATION
Cette politique de défense sanitaire devrait comporter la formation des personnels de Santé à l’urgence sanitaire, en cas de pandémie ou de catastrophe sanitaire quelle qu’elle soit, formation à laquelle le Service de Santé des Armées devrait participer. Si l’on pense à une instruction particulière préparant à l’affrontement d’une pandémie, il s’agirait alors du traitement médical spécifique, des procédures de prise en charge des patients, et de la gestion du débordement des urgences ; c’est un enseignement qui concernerait l’ensemble du corps médical. Mais le Service de Santé des Armées est en principe préparé à la prise en charge, au tri, et au traitement de patients en masse, notamment en cas d’attaque nucléaire ; il dispose donc certainement d’instructeurs susceptibles d’étendre et de partager cette expertise.
La création au sein du SSA d’un centre de formation de spécialité, préparant à ces circonstances exceptionnelles, pourrait être envisagée, pour des stagiaires militaires et civils, français et européens. Une harmonisation européenne devrait être recherchée, dans les méthodes et les modes d’action enseignés.
La formation à la défense sanitaire devrait comporter aussi l’instruction d’une réserve santé mobilisable, plus importante que la réserve militaire de santé qui existe déjà. La formation et l’entretien d’une Réserve Santé importante, pourrait à l’avenir s’inscrire dans le cadre d’un service national universel civique et de défense, avec la constitution d’une garde nationale, susceptible de mobiliser une unité de protection civile de réserve, par département.

PREVENTION
L’action de prévention devrait comporter l’étude et la planification des réactions à prévoir en cas de matérialisation du risque, et la préparation des moyens logistiques nécessaires, y compris les réquisitions à effectuer. Dans ce cadre aussi, le Service de Santé des Armées (SSA) devrait fournir une contribution importante. Au sein de sa Direction, une cellule d’information d’études et de planification, pourrait être dédiée à cette tâche. Notamment en ce qui concerne la constitution et l’entretien des moyens logistiques à prévoir, en particulier des hôpitaux de campagne, un peu comme celui qui a été déployé à Mulhouse, susceptibles d’être montés et armés en urgence, par du personnel de réserve.
La Pharmacie Centrale d’Orléans pourrait gérer et renouveler des stocks de précaution en médicaments et matériels spécialisés, et en liaison avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) étendre ses compétences en expertise sur la qualité opérationnelle de ces moyens ; domaine dans lequel une normalisation européenne devrait être recherchée.
La prévention devrait aussi comporter la mise en état de résistance de la population. Cela devrait commencer par l’enseignement et la pratique de l’hygiène à l’école. Mais c’est dans le cadre d’un Service national civique et de défense, que tous les futurs citoyens de la République pourraient être préparés à faire face au danger, par le dépistage et la vaccination, ainsi que par une instruction sur la nature des menaces et la conduite à suivre en cas de nécessité. Cette action serait tout à fait du ressort des Armées et du Service de Santé.
Enfin, il faut le noter, pour que Les Armées puissent à l’avenir jouer leur rôle dans la Défense y-compris sanitaire, il faudra adapter les budgets. Actuellement l’état de faiblesse du Service de Santé des Armées, est égal à celui du secteur hospitalier civil. Soumis à une réforme qui l’a recentré sur les opérations, il a perdu 10 % de ses effectifs en quatre ans. La crise a ainsi montré que les coupes budgétaires menées ces dernières années pèsent lourd, et que les nouveaux moyens votés pour la période 2019¬-2025, afin de rebâtir l’outil militaire, n’ont encore rien changé.
En résumé les événements conduisent à envisager pour l’avenir une politique de défense sanitaire, dépassant de beaucoup les Armées, mais dans laquelle les Armées, et le Service de Santé des Armées, revalorisés, auraient un rôle important, notamment avec l’appoint d’un Service National.

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