1. Des principes à « REVISITER »  

Comment redonner confiance dans une forme de capitalisme social ?

L’objectif du capitalisme a toujours été de trouver des solutions « rentables » aux problèmes sociaux. Songeons à ce qui a toujours été au cœur de la dynamique de ce système, tel que Schumpeter l’a magistralement décrite : la machine à vapeur, le train, l’avion... Ce sont toutes des avancées technologiques qui répondent à la base à des besoins (se déplacer, échanger, …). Mais le système s’est progressivement détourné de cette idée centrale pour se concentrer sur un autre objectif, à savoir la maximisation du profit et de la richesse globale.

Tous les sondages montrent que la confiance dans le capitalisme est à un niveau historiquement bas. Et pourtant, les institutions de ce système détiennent sans doute encore en partie la clé de la prospérité de masse. Posons l’hypothèse (qui ne va pas de soi) que ce sont les abus du système qui ont conduit à ces dérives, dont témoigne la recherche de gains personnels par certains dirigeants, qui ont perdu tout sens de la mesure (1).
La question qui doit guider notre réflexion est donc de reforger un « capital social » qui s’est érodé (2), alors qu’il constitue à l’évidence le fondement principal des sociétés socialement stables et économiquement efficaces et solidaires.

1. LE CONSTAT DE DERIVES SYSTEMIQUES

Le niveau d’inégalité sociale et donc de la répartition des richesses, tant en terme de revenus que de patrimoines, n’a jamais été aussi important depuis 40 ans. On retrouve actuellement un niveau d’inégalités historiquement très élevé, connu au début du XXe siècle, et ce tant dans nos pays développés que dans les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et les pays en voie de développement. La caractéristique particulière nouvelle de ce niveau d’inégalité repose notamment sur une concentration des patrimoines et des pouvoirs qui dépassent les frontières des états nations.

Le vecteur commun de l’ensemble de ces inégalités, qui a permis ce que l’on nomme le « néopropriétarisme » (Piketty), est l’injustice fiscale, dont les conséquences sont dramatiques en matière d’endettement des États, mais aussi, ensuite, en matière d’éducation et de santé. L’Europe en est un parfait exemple avec la concurrence fiscale entre pays, qui tire vers le bas le niveau de la fiscalité (le principe d’unanimité dans ce domaine engendrant une forme « d’immobilisme asymétrique ») : les intérêts individuels des pays voire en leur sein des lobbys (les multinationales implantées en Irlande ou aux Pays Bas y sont devenues très influentes !) priment sur l’intérêt collectif. Parmi les nombreuses conséquences, on peut citer un endettement des États devenu souvent colossal, mais aussi des inégalités sociales immenses et au total un risque élevé de repli identitaire.

2. QUELLE STRATEGIE DE REEQUILIBRAGE ?

L’exemple de la Communauté européenne est à nouveau instructif, car c’est sans doute au niveau de zones qui constituent un espace économique relativement intégré qu’il est possible de déployer une stratégie de rééquilibrage. En l’occurrence, elle suppose donc le renforcement d’une gouvernance démocratique européenne, permettant de déjouer les tentations du « dumping » fiscal (et social) et donc d’un repli identitaire. Doit-on envisager, au moins à titre transitoire la création parallèle d’une union renforcée, avec quelques pays « cœur » dont les intérêts pourraient être rapprochés (France, Allemagne, Espagne, Italie) ? Ces pays paraissent d’ailleurs suffisamment importants pour générer rapidement une influence sur le reste de l’union et notamment l’Allemagne.

Une telle coopération européenne renforcée permettrait de retrouver collectivement une souveraineté démocratique et une solidarité fiscale et budgétaire. Il deviendrait possible de doter le Budget Européen de ressources propres (taxes numérique ou carbone et sur les multinationales). Pour financer les grands projets d’investissements, le plan de relance, le budget Européen doit pouvoir en effet lever certains impôts. Cela passe aussi bien sûr par une harmonisation fiscale (la concurrence fiscale à la baisse entre États membres n’est plus acceptable). Cela passe également par une réforme fiscale, tant sur les revenus que sur les patrimoines (impôts sur les patrimoines et les successions), dont la progressivité devrait être la règle, sans exonération, pouvant aller jusqu’à des taux de 70 / 80 % des revenus et des patrimoines. Ce niveau de fiscalité progressive était de mise jusqu’au début des années 1980 ; il a permis une croissance économique sans précédent et le rééquilibrage social le plus important de l’histoire.

Le choix d’un recours à la fiscalité traduit la volonté de ne pas laisser de dettes excessives aux générations futures et de leur présenter un monde plus équilibré et enviable : la réforme fiscale peut permettre en effet un désendettement assez rapide des États, réforme qui pourrait être couplée à une politique inflationniste modérée et maîtrisée (avec par exemple une cible non plus à 2 mais à 5 % par an). Ce niveau d’inflation contribuerait à alléger la dette accumulée et favoriserait la prise de risque économique, au détriment de la rente.

Ce type de politique doit également s’accompagner d’une politique éducative plus juste, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, afin de rééquilibrer par le haut le budget alloué par jeune, dès son plus jeune âge, pour toute sa scolarité et sa période de formation professionnelle et ou universitaire. Cela passe également par une politique de santé plus juste afin que chaque individu, quel que soit son statut social, ait un accès identique aux soins : c’est ambitieux mais très réaliste... Les besoins publics non satisfaits demeurent importants et peuvent créer un effet de « relance », analogue aux générations de biens qui ont jalonné les révolutions industrielles successives.

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