La formation initiale et continue des professionnels de santé

Orientation : lier la programmation de la formation à la planification des besoins et certifier périodiquement tous les professionnels de santé.

La crise sanitaire a mis en lumière les limites et parfois les dysfonctionnements de l’organisation de notre système de santé, notamment pour ce qui concerne le niveau (par territoires) de l’offre de soins et la formation continue (1). Un effort ciblé sur l’investissement dans la formation initiale et continue des professionnels de santé est donc nécessaire (2). Un deuxième axe d’évolution devrait être de renforcer et de rendre effectives des obligations de « recertification » professionnelle périodique.

1. DES RESSOURCES MAL REPARTIES BESOINS ET DES BESOINS ENCORE MAL APPRECIES

Rapportée à la population, la démographie médicale n’est pas plus dégradée en France que dans les autres pays développés. Ce qui différencie notre pays, c’est une répartition différente entre les spécialités : la France compte, en proportion, un peu moins d’omnipraticiens et un peu plus de médecins d’autres spécialités. Le problème de la démographie médicale (et celle d’un certain nombre d’autres professions de santé) est sans doute quantitatif, mais il est aussi et surtout qualitatif : la répartition des médecins par spécialité et sur l’ensemble du territoire ne répond pas de façon optimale aux besoins de la population. Plus généralement, on ne dispose pas en France d’analyse prospective complète, intégrant les diverses professions médicales, des ressources nécessaires et de l’évolution des spécialités attendue .
Un deuxième niveau de complexité est lié à la durée des études et aux possibilités de passage d’une profession de santé à une autre. La réforme des études de médecine, engagée par le plan « Ma Santé 2022 », entre en vigueur à la rentrée 2021. Cette réforme prévoit de remplacer le « numerus clausus » par un « numerus apertus » avec un objectif national augmenté de 20%. Chaque université va pouvoir déterminer, en concertation avec l’Agence régionale de santé (ARS), le nombre de places qu’elle ouvrira en deuxième année afin de répondre aux besoins locaux en médecins.
Pour les médecins, les études sont longues et les stages hospitaliers, indemnisés à compter du deuxième cycle, doivent être revalorisés. Cela a deux conséquences : d’une part, la conviction pour les jeunes médecins, d’avoir fait un investissement qui devra être ensuite rentabilisé (le bénéfice attendu sur le plan personnel n’étant pas toujours compatible avec la notion de bien public et l’esprit de service) ; d’autre part, ne peuvent faire ces études que les jeunes qui en ont les moyens, ce qui creuse le fossé de l’égalité des chances. Les « familles de médecins » ne sont pas un fantasme : celles-ci s’auto-entretiennent dans leur déterminisme social.

2. DES EVOLUTIONS POUR LES FORMATIONS INITIALES ET LES CONDITIONS D’ATTRACTIVITE

Développer l’attractivité des professions médicales, dans tous les milieux, donner plus de souplesse dans chaque région pour calibrer les promotions, rendre la filière de médecine générale plus attractive, voici autant de leviers complémentaires sur lesquels agir de manière à constituer une chaîne de réformes.
Il faudra engager en effet, en premier lieu, une réforme profonde sur le plan économique qui permettra à tous, selon le mérite ou le talent comme seuls critères, de s’engager dans ces études. Un exemple existe en France même, avec les écoles militaires de médecine qui n’ont rien à envier au système de droit commun, ni en termes de qualité et d’efficacité, ni pour ce qui est du comportement des praticiens. Dans un autre domaine, différentes écoles de fonctionnaires, de militaires ou d’agents publics rémunèrent leurs élèves et les contraignent en contrepartie dans le choix de leur première affectation, en prévoyant le remboursement des frais d’études en cas de départ anticipé.
La suppression du « numerus clausus » national pour l’internat de médecine est entrée en vigueur mais elle ne suffit pas. Celle des quotas de formation pour les autres professions de santé, également nécessaire, n’est pas encore décidée. En outre, il faut que chaque université puisse désormais déterminer le nombre de médecins qu’elle doit former pour répondre aux besoins de ses territoires, en quantité, en qualité et par type de compétences. Il devra en aller de même pour les autres professions de santé.
Des contrats d’engagement dans le service public, c’est-à-dire des aides financières versées aux étudiants qui s’engagent à s’installer pendant un certain nombre d’années dans un territoire sous-dense, existent déjà. Leur efficacité est limitée. Il est proposé d’augmenter de façon significative le montant de cette incitation à l’attention des étudiants en médecine ou dans d’autres professions de santé (sages-femmes, chirurgiens-dentistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, etc.) qui s’engagent à exercer à tarifs opposables ou maîtrisés (dans le cadre du « 100% Santé ») dans des zones sous-denses pendant une durée déterminer. Ce dispositif devrait être expérimenté et faire l’objet d’une évaluation.
En tout état de cause, il faudra réfléchir à de nouveaux outils. La revalorisation des tarifs, le développement du salariat et l’extension de l’exercice de groupe apparaissent comme des leviers potentiels.
Il importe de rendre la médecine générale plus attractive pour augmenter le nombre d’omnipraticiens et leur proportion au sein de la profession médicale. C’est une condition pour faire de l’omnipraticien, dans l’esprit de la réforme du « médecin traitant » en 2004 et en allant désormais au-delà, le véritable « flexible gate keeper » du système de santé (le gardien d’un pont, mais un gardien souple), c’est-à-dire l’intervenant qui oriente le patient dans ses divers accès à des professionnels de santé prescrits, comme à des consultations ou des actes de médecins spécialistes (hors spécialités dites en « accès direct »). Cette organisation présente un intérêt sanitaire et économique, en organisant la coordination des soins et en limitant des recours inutiles et couteux aux ressources humaines et aux plateaux techniques du système de santé. Corrélativement, devrait également être envisagée une revalorisation tarifaire de l’activité des médecins généralistes par rapport à celle des médecins des autres spécialités, nécessaire au vu des comparaisons internationales. Il a va de même pour les médecins gériatres, dont la spécialité est de plus en plus demandée mais l’attractivité insuffisante.
Les médecins généralistes devraient pouvoir poursuivre leur formation s’ils le souhaitent, à divers moments de leur parcours professionnel, pour développer leurs compétences en pédiatrie, gériatrie, santé mentale, etc. Ces compétences leur permettraient de renforcer les actions de prévention et les soins de proximité. De même, il conviendrait de proposer aux infirmiers des formations leur permettant de prendre en charge les parcours des patients en lien avec le médecin.

3. L’ABSENCE DE BILAN DE CONNAISSANCE ET D’EVALUATION DES ACQUIS DE L’EXPERIENCE

Les professionnels de santé, et le corps médical tout particulièrement, ne sont pas partisans et sont même très réticents sur un contrôle des compétences professionnelles. Il existe une filière de mise à jour des connaissances médicales, mais qui n’est pas obligatoire. Le développement professionnel continu (DPC) est pris en charge par l’Assurance Maladie qui verse des indemnités aux professionnels de santé conventionnés pour les journées non travaillées pour cause de stage de formation. Dans d’autres secteurs d’activité, pourtant, de plus en plus de professions mettent en place des bilans de connaissance et d’acquis d’expérience.
Les professionnels de santé, quels qu’ils soient, doivent admettre, qu’ils sont les acteurs d’un service public, rémunérés par des ressources publiques. À ce titre ils sont fondés à réclamer des conditions de travail, de vie et de rémunération dignes. Mais ce postulat a un corollaire : les professionnels de santé ont l’obligation d’assurer une qualité des soins qui, dans l’état actuel de l’évolution de la science et des techniques, n’est pas possible sans le suivi périodique d’actions de formation continue. La liberté du praticien médecin s’arrête là où peut être menacé le bien-être du malade.
Il n’est pas utopique d’imaginer des stages réguliers de « mise à niveau » qui viendraient compléter les efforts de formation individuels des praticiens. Réalisés en milieu hospitalier, ces sessions de formations périodiques seraient obligatoires et permettraient, en exercice libéral comme à l’hôpital, de certifier tous les cinq ans les professionnels de santé (c’est-à-dire de les autoriser à continuer à exercer leur activité).
On pourrait d’ailleurs coupler ces formations avec des possibilités accrues de développement professionnel. Longtemps annoncés, les transferts de compétences doivent enfin se concrétiser. Il faut décharger les médecins des actes où leur valeur ajoutée n’est pas la plus grande pour leur permettre de se concentrer sur des activités à forte valeur ajoutée, notamment cliniques.
La durée et le niveau de formation initiale des auxiliaires médicaux se sont accrus. Les réformes de la nomenclature ont favorisé leur prise d’autonomie et leur ont permis de réaliser des actes plus techniques dans le cadre de prises en charge plus complexes. Une révision de leurs décrets de compétences devrait permettre d’accélérer ce mouvement.
Celui-ci devrait rendre nécessaire la tenue de documents de synthèse et de coordination, ainsi que l’organisation de temps d’échanges. Le dossier médical partagé (DMP) apporte des éléments de réponse à ce besoin. Il peut en être de même des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Enfin, les nomenclatures des actes peuvent prévoir de rémunérer cette mission

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