Introduction

Dès l’apparition de cette maladie émergente qui a entraîné le premier confinement du 16 mars au 11 mai 2020, sa virulence, sa létalité et sa mondialisation d’emblée en ont fait un phénomène planétaire aux implications multiples incommensurables.

DANS LA LETTRE DU 10 AVRIL 2020 OUVERTE AUX FRANCS-MAÇONS ET AUTRES REPUBLICAINS

dans le clair-obscur du passage de l’ancien monde qui meurt
et dans l’attente du nouveau monde qui se prépare à naître

La première version, diffusée fin mars, procédait aux premiers constats et constituait un programme maçonnique de réflexions ouvertes sur l’inconnu et l’incertitude.

L’humanité tout entière dont les deux moitiés vivent, en cet instant, un extraordinaire face à face en chiens de faïence, l’une atteinte par la pandémie se voyant astreinte au confinement, l’autre en attente d’être atteinte demeurant figée dans l’expectative, l’une et l’autre sont médusées par ces quelques molécules d’ARN que les scientifiques appellent Coronavirus (SARS-CoV-2) responsable de cette maladie émergente qu’est la Covid-19. Ces deux mots qui, proposés à un moteur de recherche, fournissaient, en moins d’une minute, quelques millions de références consultables début mars, en produisaient sept milliards le 27 mars 2020, et le double une semaine plus tard, c’est dire son omniprésence et sa virulence aussi virtuelle que réelle.

La plupart des interventions médiatiques ou individuelles à ce sujet font état d’une crise sanitaire sans précédent. C’est confondre causes et conséquences. Car cette crise ne sera qu’un numéro dans l’histoire des crises sanitaires et le fait de l’avoir dénommée Covid-19 marque bien sa temporalité, ce n’est donc pas un hasard si elle est caractérisée par ce chiffre de l’année 19. Il n’en faut pas douter, elle sera suivie d’autres crises mais celle-ci nous apprend qu’il ne faut pas « danser sur un volcan » mais au contraire, être « les nobles esprits qui désinfectent l’atmosphère » que Flaubert appelait au secours de l’humanité. Par contre, ce qui est extraordinaire et exceptionnel, inouï et inédit, incroyable et invraisemblable est le traitement que les sociétés modernes lui administrent.
C’est absolument sans exemple dans l’histoire de l’humanité.

Chacun d’entre nous éprouve des sentiments mélangés en tant qu’être humain, quelle que soit sa situation face au virus. Mais au-delà des sentiments, voire des ressentiments, il faut tenter de penser la crise même si nul ne perçoit, dans la cacophonie médiatique ambiante, les lignes de force qui devraient déjà émerger et sous-tendre nos réflexions actuelles et nos actions futures. Cette lettre ouverte a donc pour objet de tenter de mettre en exergue ces lignes de force sans prétendre à l’exhaustivité.

QUE NOUS DIT D’ELLE CETTE EPIDEMIE ?

… l’analyse scientifique de cette épidémie n’est pas reprise dans la présente publication

Cette pandémie est dramatique tant par le nombre de morts qu’elle génère en un temps très court que parce qu’elle risque de submerger, lorsqu’elle survient, les capacités hospitalières dans les régions les plus atteintes ; ceci posé, elle est à terme, rassurante sur le plan sanitaire contrairement à ce qui est redouté, en effet l’arrivée de la vaccination est inéluctable dans quelques mois.
Sa chronologie en est d’autant plus incertaine que ce virus déclenche en 2020 sa première épidémie et que le temps de la science n’est pas le temps de l’attente générée par l’angoisse humaine.
La leçon essentielle de cette première analyse est que l’humanité doit coexister avec l’ensemble de ce qui constitue la Terre, car il n’est pas de solution de continuité entre les êtres vivants et le reste du monde. Il faut affirmer clairement que les virus ne sont pas des êtres vivants, car ce ne sont ni des bactéries, ni des archées, ni des eucaryotes mais qu’ils nécessitent le vivant pour exister, croître et se multiplier.

NOUS CONSTATONS QUE LA TERRE EST HOLISTIQUE

QUE NOUS DIT CETTE PANDEMIE DE NOTRE SOCIETE ?

Les réactions individuelles et collectives nécessitent des analyses complexes, mais il est déjà possible de faire quelques observations. Sans revenir sur les asociaux et les “outlaws” inhérents à toutes les sociétés qui génèrent leurs propres frontières et qui dictent leurs propres normalités, il faut se livrer à quelques constats sur les comportements humains face à cette pandémie.

Tous ceux qui sont épargnés, parce que confinés, doivent être reconnaissants à tous ceux qui sont en activité et contribuent à assurer le quotidien de tous. Les uns sont confinés à distance des foyers d’épidémie et nous espérons tous qu’ils seront épargnés. Les autres comme moi sont proches de l’épicentre de l’épidémie. Le Grand Est est durement touché du fait du rassemblement religieux organisé du 17 au 24 février par l’Église évangélique « La Porte ouverte » à Bourtzwiller (Mulhouse) et je suis très proche de contaminés, de malades, de soignants et de morts.
Confiné, donc épargné, je ne peux que penser à l’angoisse qui étreint la quasi-totalité de la population et aux souffrances de tous les malades ; je ne peux que compatir à la douleur des familles atteintes dans leurs différentes générations et plaindre tous ceux, éplorés, qui sont empêchés d’accomplir, comme ils le souhaiteraient, les rituels funéraires liés à leurs deuils.

Ancien gynécologue-accoucheur, nous pouvons toute notre admiration devant la solidité structurelle du système sanitaire français, devant la mobilisation générale de la médecine de ville libérale et des secteurs hospitaliers publics, privés et militaires, des étudiants en santé, devant le déroulement des plans Blanc (Hôpitaux) et Bleu (Ehpad) par les autorités sanitaires, devant l’impressionnante montée en puissance des moyens mobilisés avec le concours de toutes les entreprises du secteur de la santé. L’organisation sanitaire des régions françaises non touchées se prépare à partir des expériences des clusters que sont devenus le Grand Est et l’Oise et sera sans failles, j’en suis certain.
Malgré les erreurs initiales d’appréciation de tous ordres, les insuffisances d’anticipation de toutes sortes et les difficultés matérielles en tous genres, notre système apparaît très performant par rapport à d’autres pays. Nous n’en prendrons la mesure que dans quelques semaines, lorsque la circulation du virus sera interrompue grâce à une France immunisée, ultérieurement vaccinée et que, dans quelques mois, lorsque des bilans précis seront effectués, les données épidémiologiques fiables analysées, les comparaisons nationales argumentées et les polémiques conjoncturelles grosses d’arrière-pensées éteintes.

Tous, nous devons féliciter tous les acteurs du système sanitaire quelles que soient leurs fonctions, car nous savons que l’efficience des soignants dépend de la pléiade de métiers qui les entourent, et nous réjouir de vivre dans une société qui a permis d’élever la formation technique de tous à un tel niveau de compétences.
Tous, nous devons être fiers d’appartenir à une société capable de hisser à un tel degré l’éthique de ses membres qui se sont mobilisés largement au-delà de leurs obligations. Les droits de retrait ne se sont pas exercés chez les soignants, mais nous n’en sommes pas surpris, car nous l’avions déjà constaté lors des attentats terroristes de Paris ou de Nice.
Lorsque nous entrerons dans un dé-confinement qui ne saurait être que géographique et démographique, viendra le temps de la reconnaissance. Le Grand Orient de France pourrait proposer que la médaille d’honneur des épidémies, créée en 1885 après la grande épidémie de choléra de 1884, supprimée en 1962, soit rétablie. Le gouvernement pourrait ainsi manifester notre reconnaissance à ceux qui s’en sont montré particulièrement dignes pour honorer le courage et l’abnégation de tous les soignants au-delà des applaudissements de 20 h et des félicitations officielles.

Nos sociétés se caractérisent par une immense solidarité humaine qui se manifeste en tous lieux par des chaînes de solidarité familiale, sociale et médicale souvent novatrices ou inattendues, rapidement mises en place. Partout, dans les villages, dans les quartiers, dans les immeubles se révèlent des manifestations de solidarité, des mobilisations d’innombrables personnes de toutes origines et de toutes professions, vers la réserve sanitaire et vers la réserve citoyenne, en France ou vers leurs équivalents à l’étranger. Que dire, sinon que la bienveillance que les anglo-saxons nomment le care est bien aussi une des caractéristiques de l’humanité. Cet amour fraternel en actes ne peut que conforter les francs-maçons dans leur démarche d’Amour de l’Humanité.

NOUS CONSTATONS QUE LA SOLIDARITE HUMAINE EST GENERALE

Mais toute médaille à son revers : en effet d’autres, moins nombreux, sont très en retrait d’une telle exemplarité. Les constats consternants de comportements collectifs irrationnels, de paniques ou d’affrontements dans les lieux publics, et les conduites inappropriées individuelles liées à l’incivisme sont trop nombreux. Ils ont commencé avec la diminution de la fréquentation des restaurants asiatiques et le racisme ordinaire touchant les passants typés qui rassemblait dans le nouveau « péril jaune » virus et humains. Ils se sont poursuivis par l’ostracisme des soignants par leurs voisins ou le refus de les accueillir, qui fait redouter, pour bien les identifier, qu’on n’ait recours au port d’une étoile rouge, à leur géolocalisation ou à la sonnerie spéciale d’une application obligatoire pour qu’ils avertissent de leur passage : elle remplacerait ainsi la crécelle des pestiférés du Moyen Âge et permettrait, sauf quand ils sont en service, d’observer une distance physique. S’il est difficile d’identifier et de verbaliser tous ces incivismes, souvent provoqués par des peurs infondées (car croiser un soignant même infecté ne peut en aucun cas provoquer une charge virale suffisante pour contaminer quelqu’un), il faut constater que les atteintes à la citoyenneté ne sont pas punissables. Mais la citoyenneté ne se décrète pas, elle s’apprend car pour paraphraser Pindare, l’homme ne naît pas citoyen, il le devient, mais uniquement lorsqu’il l’aura appris. Encore faut-il que la citoyenneté soit enseignée et que chacun apprenne que le socle en est le respect de l’autre. J’invite donc les francs-maçons pour qui le respect de l’autre est un impératif catégorique, qu’ils s’imposent d’en transmettre le principe intangible à l’extérieur de leurs Temples. Tous les républicains doivent encore et toujours participer à une éducation à la citoyenneté dans des formes renouvelées car il n’est pas de République sans citoyen.
À quand un brevet de citoyenneté tout aussi utile socialement qu’un brevet de secouriste ?

NOUS AFFIRMONS QUE LA CITOYENNETE EST LE REMPART DE L’HUMANITE CONTRE LES INDIVIDUALISMES DESTRUCTEURS. IL N’EST PAS DE REPUBLIQUE SANS CITOYEN.

Quatre des pays les plus touchés le doivent aux rassemblements des anciennes religions, celles de la transcendance des croyances et à ceux des nouvelles religions, celles de l’immanence des corps.
En France, le rassemblement de l’Église évangélique « La Porte ouverte » a constitué un cluster extraordinairement actif du fait de l’échange permanent de virus entre participants qui furent lors de leurs retours à domicile de puissants diffuseurs de virus. Ceci explique la surcharge hospitalière que vit la région Grand Est et la nécessité des transferts ferroviaires ou aériens vers d’autres régions françaises ou européennes pour l’heure épargnées mais qui témoignent de leur solidarité.
En Iran, le Guide Suprême Ali Khamenei, qui considérait cette épidémie comme une bénédiction, a dû enfin comprendre que l’immunité divine qu’il croyait accordée aux lieux de culte chiite de Qom n’était que le produit de ses croyances et que le coronavirus, par essence incroyant, prenait aussi les avions des compagnies iraniennes avec les mollahs de retour de Chine. Il a ainsi fait de l’Iran l’un des premiers clusters du monde, comme Mulhouse fut l’un des premiers clusters de France. Il lui a donc fallu, en dépit de toutes ses interprétations coraniques, permettre à son corps défendant, l’interdiction de l’accès aux lieux de culte pour fermer la porte à la propagation de l’épidémie.
Il est intéressant de noter que Chine et Iran suggèrent que ce virus partagé proviendrait des États-Unis. Ont-ils oublié que la première « route de la soie » fut à l’origine de la peste de Justinien ?
En Italie, le « match-zéro » qualifie le match de 8e de finale de la Ligue Européenne des Champions du 19 février au stade de Milan entre l’Atalanta de Bergame (Italie) et le Valence Club de Fùtbol (Espagne). À l’occasion de ce match, se sont entrecroisés plus de 40 000 Bergamasques et 2 500 Valenciens qui, à leur retour, ont transformé leurs villes respectives en épicentres de l’épidémie en Italie et en Espagne, les plaçant en tête des pays quant au nombre de malades et de morts avec l’Iran et la Chine.
Chaque participant a accru par cette promiscuité vécue pendant des heures et des heures, des jours et des jours, sa charge virale, ce qui l’a rendu exceptionnellement contagieux, faisant de lui une bombe virale, le transformant en une sorte de bombe permettant la réalisation d’un attentat-suicide microbien bien involontaire. Daesh en avait rêvé, les chiites et les évangélistes l’ont fait,… à leur corps défendant.
Et que dire du Pape François qui fait exposer sur la Place St Pierre le 27 mars 2020 le crucifix porté à Rome en 1552 contre la grande peste. Il n’y fut d’aucune utilité. Il faudrait l’informer que ni les rongeurs, ni les puces, ni les poux, pas plus que le coccobacille Yersinia pestis, responsables de la chaîne de transmission de la maladie, ne sont croyants bien que vivants, alors que dire des coronavirus qui n’ont pas l’alibi d’être vivants ?

Les hominidés dont Homo sapiens ne sont pas anthropologiquement faits pour coexister dans des concentrations gigantesques. Celles-ci génèrent tant de sociopathies et tant de pathologies, que nous constatons aussi bien dans les villes, dans les entreprises que dans les établissements d’enseignement. Elles génèrent un anonymat insupportable à l’origine d’explosions de violence dont l’origine est un besoin incoercible de reconnaissance que nos sociétés n’assurent pas à ceux qui s’y livrent.

Les maisons de retraite concentrant les personnes âgées, les Ehpad rassemblant les handicapés sont idéalement fonctionnelles mais d’une désespérante artificialité. Elles paient un lourd tribut à l’épidémie d’autant qu’elles réunissent les classes d’âge les plus sensibles au virus en cause.

Fort heureusement, les rassemblements maçonniques ont été suspendus, les temples fermés, les maçons et leurs contacts sociaux ont été préservés par cette réduction de leurs contacts sociaux, mais la totalité des loges ont des effectifs compatibles avec l’anthropologie des hominidés.

RAPPELER AUX HOMMES QUE SCIENCE ET CROYANCE REPRESENTENT DEUX ORDRES DE CONNAISSANCES

REPENSER LA TAILLE DES COMMUNAUTES HUMAINES A DES DIMENSIONS ACCEPTABLES ASSOCIANT LE DECLOISONNEMENT DES GENERATIONS

Nos sociétés sont soumises à une diffusion elle aussi virale de l’information. Médecin formé à une médecine fondée sur les preuves (Evidence Based Medicine), je dois avouer ma stupéfaction devant des affirmations péremptoires émanant d’horizons aussi improbables les uns que les autres concernant les pandémies.
Pour certains, l’actuelle pandémie constituerait, la rançon ou le tribut que l’humanité devrait payer au nouveau Moloch que serait la Modernité, voire une punition divine d’une humanité qui n’en finirait pas de payer pour son péché originel. Pour d’autres, elle serait le résultat d’on ne sait quel complot ourdi par on ne sait quelle oligarchie, les fake-news en ce sens débordent de myriades de sites et contribuent à alimenter des discours alarmistes aussi dénués de fondements qu’ils sont anxiogènes. Pour quelques-uns enfin, charlatans ou prophètes autoproclamés, ils tentent, avec un succès sidérant, d’abuser de la crédulité d’un public asphyxié par la surinformation.
Ne nous y trompons pas, ce sont les mêmes qui ont déjà déclaré et qui déclareront la guerre à la raison et au progrès sur lesquels l’humanité doit s’amarrer, au risque de se perdre dans l’irrationnel des peurs ancestrales, de se réfugier dans un mysticisme ravageur et de renoncer à l’humanisme comme à l’universalisme. Plus que jamais, l’esprit critique s’avère l’outil essentiel de la raison et du progrès. Par définition, l’esprit critique est l’esprit de la crise.

L’HUMANISME ET L’UNIVERSALISME SONT INCONTOURNABLES ET NON NEGOCIABLES

Nos sociétés ont vécu, en 2020, un choc microbien qui entraînera un choc de civilisation analogue à ceux que nous démontre l’histoire documentée des pandémies.
Elle commence avec la peste de Justinien (541-767) à laquelle on attribue la décadence de l’Empire romain et l’essor de l’Europe du Nord. D’origine mongole, parvenue en Méditerranée par la première route de la soie, elle causera la disparition d’au moins un tiers de la population du Bassin méditerranéen.

La peste noire du Moyen Âge (1347-1352), que les anglo-saxons appelaient la Black Death, avait une létalité de 40 %. Elle entraînera les danses macabres, provoquera les premières administrations de santé et les premières quarantaines, elle déclenchera un antisémitisme quasiment génocidaire entre Rhin et Rhône, le Juif, accusé, ici, de contaminer les puits, étant un bouc émissaire idéal toujours disponible. Cette épidémie de peste qui connaîtra des récurrences pendant plusieurs siècles sera accompagnée et suivie d’une intense éruption artistique réactionnelle.
De l’épidémie en cours, peut-on attendre la même transformation profonde des systèmes sanitaires, la même recherche compulsive de boucs émissaires et une efflorescence artistique analogue ?

Après 1492, se produisit un choc microbien extraordinaire, composante essentielle du choc de civilisations qui fera passer un Monde qui se disait Ancien à un Monde qu’il appelait Nouveau. En effet ces appellations provinrent des érudits européens qui écrivirent l’histoire. Alors qu’en fait, un Nouveau Monde bipolaire est né de cette rencontre qui a totalement transformé ces deux Anciens Mondes.
Pour en rester au simple plan épidémique, sans entrer dans les considérations de l’histoire politique, économique, culturelle des continents que ce Nouveau Monde occupait, les constats sont très parlants. Les Européens introduisirent la variole, la rougeole et autres maladies euro-méditerranéennes comme le typhus et la grippe, qui tuèrent par vagues épidémiques successives 80 à 90 % des Amérindiens, dont la tolérance aux agents pathogènes était limitée aux maladies « américaines ». En échange, la syphilis d’origine exclusivement amérindienne envahira l’Europe pendant cinq siècles et ne sera en voie d’éradication qu’avec la découverte de la pénicilline dans les années 1940. Mais ni les Anciens Mondes ni le Nouveau Monde qui en était issu, ne savaient qu’ils vivaient un tel choc microbien, ni surtout comment traiter ce que Leroy-Ladurie appelait « unification microbienne du monde ».
Nous qui prenons conscience de ce passage d’un Ancien à un Nouveau Monde, nous le savons, mais il convient de mesurer que le passage décrit ci-dessus s’est fait en cinq siècles, alors que le passage qui s’ouvre devant nous se fera en quelques années.

Un exemple comparatif : la syphilis est le nom poétique donné à la pathologie par Frescator à la suite de la grande épidémie de Naples de 1494 qui lui valut son autre nom de « mal de Naples », le tréponème, ne fut identifié qu’en 1905, les diagnostics biologiques au cours du XXe siècle et le traitement (pénicilline) en 1943. 12 millions de nouveaux porteurs en 1995, cinq siècles après le début de l’épidémie qui n’est toujours pas éradiquée et serait même en recrudescence. Il aura fallu cinq siècles pour maîtriser la syphilis sans l’éradiquer.

Annoncée par le médecin chinois Li Wenliang travaillant dans un hôpital de WU Han le 30 décembre2019, qui fut obligé, comme Galilée, de se rétracter par une autre église, celle de la police chinoise, cette épidémie a connu son premier cas identifié le 10 décembre 2019 même s’il est avéré que l’épidémie a commencé en novembre et qu’elle aurait sans doute fait 40 000 morts.
Covid-19 est le nom scientifique et nosologique donné à la maladie, le virus a été identifié par les Chinois le 9 janvier 2020, le premier test diagnostic par le laboratoire de virologie de l’hôpital de la Charité (Berlin) le 19 janvier et le ou les vaccins dont la disponibilité commence fin 2020.
Il aura fallu 5 mois pour maîtriser le coronavirus… en ne l’éradiquant pas non plus.
Comme l’ont démontré Paul Virilio, le théoricien de la « dromosphère » (qu’il définissait comme l’alliance des techniques et de la vitesse) ou plus récemment Harmut Rosa qui constate, dans Accélération et Aliénation, la triple accélération des techniques, du changement social et des rythmes de vie, nos sociétés sont caractérisées depuis plus de 50 ans par une fantastique accélération qui explique que nous serons amenés à vivre en quelques années ce que notre ex-Nouveau Monde a vécu en cinq siècles dans un monde qui se globalisait. Ce choc microbien se transformera en une crise de civilisation majeure. Elle ne pourra pas être résolue par les vieilles recettes de l’Ancien Monde car dans le Nouveau Monde, le temps de la Terre s’est disjoint du temps de l’humanité.

LE PASSAGE DE NOTRE ANCIEN MONDE A UN NOUVEAU MONDE S’EFFECTUE DANS UNE EXTRAORDINAIRE CONTRACTION DU TEMPS LIEE A L’ACCELERATION ET A L’AMPLITUDE DONT TEMOIGNE CE CHOC MICROBIEN, ANNONCIATEUR D’UN CHANGEMENT DE CIVILISATION.

QUE FAIRE DE CETTE PANDEMIE ?

Les faits sont têtus. Les pandémies sont liées au triple accroissement de la population, de l’urbanisation et des échanges intercontinentaux d’une part et d’autre part à la nature de l’agent infectieux en cause. Pour répondre aux défis de la mondialisation, il faut apporter des réponses adaptées qui font appel au progrès et à la raison, il faut donc intensifier, amplifier et aussi accélérer les recherches scientifiques en accentuant la collaboration internationale ou mieux intracontinentale et intercontinentale.
La biologie est scientifique, elle ne saurait être que scientifique. La science n’est plus une discipline solitaire, les Prix Nobel sont souvent partagés. De plus, la science n’est intrinsèquement ni éthique ni démocratique, mais sa réalité, ses réalisations et leurs utilisations doivent conduire à une éthique relevant d’us et coutumes supposant un large consensus démocratique, comme le démontrent les débats sur les lois de bioéthiques en continuelle réévaluation, auxquels les francs-maçons participent.
La science et le progrès ne peuvent être abandonnés à eux-mêmes ou laissés en proie à des lobbies mais doivent être démocratiquement contrôlés, leurs applications orientées et les organismes nécessaires institués.
Un seul exemple, la destruction irréfléchie d’écosystèmes réalisant des équilibres du vivant longuement mûris ne peut qu’engendrer des réactions chaotiques du vivant et le franchissement des « barrières d’espèces », générant des anthropozoonoses inédites rapprochant par exemple les chauves-souris et les hommes à travers serpents, fourmis, civettes et pangolins : c’est une des hypothèses qui expliquerait l’origine de la crise qui nous frappe. Mais ce n’est pas la seule cause : les hommes et les entreprises qui, dans tous les pays, s’adonnent aux trafics d’animaux sauvages comme aux élevages industriels d’animaux domestiques s’avèrent aussi potentiellement productifs de ces pathologies en permettant les franchissements des « barrières d’espèce » et l’émergence de maladies nouvelles.
Aussi, et à ce sujet, pourquoi ne pas imaginer un observatoire transcontinental consacré à l’étude des relations entre espèces vivantes, élaborant des recommandations transposables, sous forme de contraintes législatives, dans tous les États de la planète bien au-delà de la convention existante ? Pourquoi ne pas imaginer une Cour pénale sanitaire mondiale compétente quant aux infractions commises par les hommes, les entreprises mais aussi les États ?

TOUJOURS PLUS DE SCIENCE, TOUJOURS PLUS DE CONSCIENCE

LE XXIe SIECLE ? UN CHANGEMENT DE PARADIGME !

Je suis émerveillé ! Mon émerveillement, au sens littéral du terme, provient du changement de paradigme des sociétés du XXIe siècle au regard d’une vie humaine par rapport à celui des sociétés des siècles antérieurs. Cette affirmation qui en étonnera plus d’un mérite un approfondissement dans la cacophonie actuelle.
Le XXe siècle fut celui d’une totale dévaluation de la vie humaine, celui du triomphe de l’humanisme évolutionniste, celui de la primauté de la force sur le droit. Il a, de ce fait, connu les guerres mondiales ou postcoloniales, la bombe atomique, Hiroshima et Nagasaki, des pratiques eugéniques inacceptables, les dictatures génocidaires rouges, noires ou jaunes incarnées par Staline, Hitler, Mao Tse Toung, Pol Pot et consorts qui auront fait ensemble environ 200 millions de morts, témoignant de la part de ce siècle d’un total mépris de la vie humaine. Ce ne sont pas les accidents de la route qui démentiront cette affirmation, ils ont fait 60 millions de morts dans le monde au XXe siècle sans que les mesures nécessaires (limitation de la vitesse à 25Km/h en ville et 50 km/h sur route, alcoolémie =0 g/l) ne soient prises par les États pourtant garants de la sécurité de leurs populations.

Ce siècle connaîtra, en outre, trois grandes pandémies qui auront marqué les épidémiologistes par leur ampleur même si le souvenir dans la population s’en est estompé : dans le sépia attendrissant des photographies de l’époque pour la pandémie de grippe espagnole (1917-1919), dans l’ignorance générale pour la pandémie de grippe asiatique (1957-1958) et dans l’absolu respect des libertés individuelles pour le SIDA (1981- 20 ??) malgré les risques de contagion.

Tout d’abord, la grippe espagnole, en fait d’origine américaine, toucha en plusieurs vagues, le quart de la population mondiale, elle fut particulièrement meurtrière auprès des jeunes adultes trentenaires, dont 240 000 moururent en France et 20 à 50 millions dans le monde. Les personnes âgées, sans doute immunisées par les épidémies grippales de la fin du XIXe siècle, furent épargnées. La distanciation sociale, qu’il serait préférable d’appeler physique, avec fermeture des écoles comme cela fut pratiqué à Saint-Louis (Missouri), s’avérera la seule mesure efficace en un temps où les moyens sanitaires, face à de tels événements, étaient encore rudimentaires. Cette épidémie sera à l’origine du Comité sanitaire de la SDN (1919-1946), ancêtre de l’OMS, fondée en 1948 dont les résultats cumulatifs largement ignorés de la majorité de la population sont impressionnants (disparition d’une dizaine de maladies dont la variole et la poliomyélite). Remarquons ici que ce type d’informations est à communiquer d’urgence à tous les contempteurs des coopérations internationales et des vaccinations qu’il faudrait rendre comptables du nombre de morts qu’ils provoquent.

Ensuite, la pandémie de grippe asiatique fut la première pandémie à être suivie en temps réel par les laboratoires de virologie qui en assurèrent avec précision la traçabilité. La population mondiale n’avait pratiquement aucune immunité contre ce virus, à l’exception des classes d’âge supérieures à 70 ans, encore immunisées par la pandémie précédente qui survécurent. Les sujets à risque furent les malades porteurs de cardiopathies et les femmes enceintes de plus six mois. Quelque 15 000 décès furent à déplorer en France et deux millions dans le monde.

Enfin, la pandémie de SIDA due au VIH qui fit plus de 30 millions de morts depuis son apparition dans les années 1970, semble actuellement contrôlée par les antirétroviraux mais ne peut être considérée comme éradiquée, car l’on estime que vivraient avec ce rétrovirus 35 millions de personnes dont les deux tiers ne seraient pas traités et constituent ainsi les réservoirs d’une contamination persistante.

Ce rapide survol des pandémies du XXe siècle montre qu’aucune n’a donné lieu de la part des institutions politiques à des dispositions coercitives, inimaginables avant celle qui nous occupe.
Il était impensable d’imaginer au XXe siècle de telles mesures : le confinement qui est une astreinte à domicile, l’arrêt des activités économiques non indispensables, qui est une atteinte à la liberté d’entreprendre, la chute libre des économies qui provoquera une récession et une crise économique mondiale, la ségrégation démographique, la géolocalisation individuelle, la sérologie obligatoire, et donc une limitation drastique des libertés individuelles. Toutes ces mesures sont prises, avec le total assentiment des populations pour épargner, autant que faire se peut, le plus grand nombre de vies en leur sein.

Cependant certains pays, adeptes de conceptions passéistes comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Brésil, voire les Pays-Bas et la Suède, se sont, dans un premier temps, laissé aller à l’illusion de l’immunité commune, dans un invraisemblable « laisser-faire et laisser aller » sacrifiant avec certitude des vies humaines au prétexte d’un sauvetage aléatoire de leur économie. Les Trump, Johnson et autre Bolsonaro ont enfin été contraints de sacrifier leur économie plutôt que leur population.

Le XXIe siècle et nos sociétés s’honorent ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, d’avoir massivement préféré sauver l’être plutôt que l’avoir.

UNE VIE HUMAINE, DU XXe SIECLE ET DES SIECLES ANTERIEURS, ETAIT QUANTITE NEGLIGEABLE
UNE VIE HUMAINE AU XXIe SIECLE N’A PAS DE PRIX

Quel ne fut pas mon bonheur d’apprendre que, à la demande du Secrétaire Général de l’ONU, António Guterres, des cessez-le-feu sont déjà effectifs ou en voie de réalisation en Syrie, au Yémen, au Cameroun, aux Philippines, pour permettre de juguler au mieux la pandémie dans les zones géographiques concernées. L’arrêt de ces conflits résiduels, même s’il n’est que momentané, en démontre la possibilité devant une cause qui dépasse celles qui les motivent.
Ce bonheur se double de celui de constater les prémices d’une coopération intracontinentale et intercontinentale matérielle, humaine et financière volontariste, ne négligeant aucun pays d’aucun continent, qui rejoint les élans de solidarité individuelle. De ce double constat naît une immense espérance, celle de l’avènement de la République Universelle chère au chevalier de Ramsay associant les esprits et les cœurs.

POUR LA PREMIERE FOIS DANS L’HISTOIRE DE L’HUMANITE,
UNE PERIODE SANS GUERRE ASSOCIEE A UNE COOPERATION INTRA ET INTERCONTINENTALE EMERGE SOUS NOS YEUX STUPEFAITS

Cette espérance qui doit tous nous habiter est fondée sur les lignes de force identifiées ci-dessus. Le passage de l’Ancien Monde à un Nouveau Monde ne peut se concevoir qu’au sein de continents voire de sous-continents. Il ne saurait se satisfaire de vieilles recettes. Les tentations de repli identitaire, les velléités de fermeture des frontières n’ont aucun sens au regard de la curiosité humaine et de ce besoin incoercible de voyages des humains, que connaissent parfaitement les francs-maçons. Ce passage nécessitera donc obligatoirement une gouvernance continentale ou sous-continentale et intercontinentale, bien au-delà des nationalismes réducteurs et passéistes dont cette crise pourrait générer la tentation au nom d’un localisme autarcique.

Dans ce moment suspendu d’une étrangeté jusqu’ici inconcevable viennent de surgir dans nos histoires personnelles et dans l’Histoire de l’Humanité ces mots : « crise sanitaire ».

« Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux. »
Ainsi s’exprimait René Char dans les Chants de Balandrane (1977).

Que savent donc de nous ces mots qui ont surgi ?

Si l’adjectif « sanitaire » nous invite à rester en force et en santé, ce qui est l’objectif de chacun de nous, le mot crise se décline sur un mode incantatoire et récurrent, assorti de tous les adjectifs possibles, de la crise de jalousie à la crise financière, de la crise cardiaque à la crise diplomatique, de la crise sanitaire à la crise de civilisation.
Pour comprendre ce qui surgit, il faut recourir aux langues qui nous ont construits et qui nous rendent le monde compréhensible. Le mot crise est formé par la racine indo-européenne krei qui signifie juger, distinguer, passer au tamis, au crible qui donnera en grec krisis, au sens de « séparer », « distinguer », « juger ». L’un des sens du mot n’est-il pas « le jugement porté par ce qui est en train de naître sur ce qui est en train de mourir » ? L’hébreu est une langue ancienne et riche et en cela particulièrement productrice de sens. Les mots de passe et les mots sacrés des rituels maçonniques en sont pratiquement tous issus. Le mot hébraïque qui traduit le mot crise est mashber ; or ce mot est à double entrée puisqu’il signifie aussi « table d’accouchement ». Cette gémellité s’avère lourde des sens que le confinement doit nous amener à méditer dans le silence et la solitude.

LA CRISE QUE L’HUMANITE TRAVERSE SERA-T-ELLE LA TABLE D’ACCOUCHEMENT D’UN NOUVEAU MONDE QU’IL NOUS APPARTIENT DE PASSER AU TAMIS POUR LE DECOUVRIR ET LE CONSTRUIRE ?
C’EST A CETTE QUESTION FONDAMENTALE QUE DEVRONT REPONDRE SOCIOLOGUES, ANTHROPOLOGUES, PHILOSOPHES, HISTORIENS, MEDECINS, ECONOMISTES, EPIDEMIOLOGISTES, ARTISTES, POLITIQUES, REPUBLICAINS ET… FRANCS-MAÇONS.

C’EST A CETTE INTERROGATION OUVERTE QUE NOUS DEVONS REPONDRE !

Nous sommes ainsi parvenus dans le clair-obscur d’un vieux monde qui meurt et dans l’attente du nouveau monde qui se prépare à naître. Il nous appartient de contribuer à lui épargner les monstres qui se profilent, tels que ceux qu’annonçait Antonio Gramsci (1891-1937) et tous les autres monstres qu’il n’annonçait pas, afin d’être prêts à habiter autrement le Monde.
Nous sommes des francs-maçons égoïstes, altruistes, habités des certitudes personnelles et institutionnelles de participer à la construction de notre Temple intérieur comme à celui du Temple extérieur.
Nous sommes convaincus que c’est dans cette articulation entre ces deux Temples que se situe notre Espérance et celle de l’Humanité, celle de l’avènement d’une République Universelle.
J’invite donc ardemment francs-maçons et républicains à participer à ces constructions dans ce Nouveau Monde en train de naître.

Jacques OREFICE,
Grand Commandeur
Grand Collège des Rites Écossais
Suprême Conseil du 33e degré en France
Grand Orient de France

La Juridiction Écossaise forte de près de 9 000 membres et de près de 600 Ateliers a été sollicitée autour de 9 thématiques dirigées par neuf coordinateurs généraux responsables de commissions verticales composées de 7 référents régionaux.
Ces commissions thématiques verticales se sont articulées avec les commissions opérationnelles dirigées par les délégués du Grand Commandeur dans chaque région qui, par leur connaissance fine de leurs régions, ont pu, avec les Membres du Suprême Conseil et les Présidents de secteur, coopter les référents régionaux et inciter les contributeurs.

La mise en place de 9 coordinateurs scientifiques aux compétences affirmées dans les différentes thématiques ont permis une parfaite collaboration en phase avec le Secrétariat Général confié à Joël RUIZ et la Coordination Scientifique confiée à Pierre RABATE.

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