1. Urgences et libertés, une conciliation à réexaminer à la lumière de la crise 

La vie privée et le secret professionnel doivent-ils céder face à l’urgence sanitaire ?

La vie privée a un caractère sacré dans toutes les démocraties occidentales où le concept de Liberté tient une place fondamentale. Restreindre la liberté n’est acceptable que si c’est pour répondre à des objectifs incontestables, notamment pour éviter un risque patent de contamination des personnes. Dès lors, le souci de la santé physique et morale de l’homme doit rester au centre des mesures à mettre en place en cas d’urgence sanitaire.

D’ailleurs la population accepte facilement le port du masque dans l’espace public et les diverses contraintes imposées, tant qu’on évite les mensonges (ce qui est perçu comme tel) et l’infantilisation. Les citoyens ont un besoin d’informations lisibles et d’explications claires pour agir en responsables. Le passage en force suscite toujours la résistance et la contestation.

Or les messages portés pendant la crise ont été perçus comme orientés et manipulés : ainsi pour ce qui concerne le port des masques ou de recours aux tests, présentés tous deux dans un premier temps (aux moments où était juste découverte l’ampleur de la pénurie de matériels ou de réactifs) comme peu utiles, avant au contraire d’être décrits comme les outils prioritaires d’une stratégie de prévention.

Aucune explication rétroactive de ce « mensonge d’État » n’a été véritablement avancée : conseils défaillants (de l’OMS ou de spécialistes, jamais cités) ? Volonté d’éviter des conflits d’usage et de réserver les matériels existants aux publics prioritaires (médecins, personnels hospitaliers, patients hospitalisés, …) ? De telles explications, partiellement légitimes, seront peut-être données ultérieurement. Elles paraissent indispensables pour permettre d’apprécier la légitimité (ex post) de présentations fallacieuses (depuis Machiavel, on admet le mensonge en politique, mais si et seulement s’il peut se justifier après coup par ce qu’il a rendu possible).

À défaut d’une pédagogie suffisante, les contraintes sont ressenties comme vides de sens. L’application TousAntiCovid, votée par le parlement, a ainsi été perçue tantôt comme un véritable instrument potentiel de de « flicage » et de fichage des citoyens (dans le cas où les fonctionnaires de police ne l’utiliseraient pas uniquement pour le traçage de la pandémie) ; tantôt comme un gadget peu justifié. Dans les pays voisins, d’une manière générale, les taux d’utilisation et d’acceptation sont beaucoup plus élevés (sans que pour autant d’ailleurs le seuil d’efficacité avérée soit véritablement atteint, même en Allemagne où près de 20 millions de personnes ont téléchargé l’application contre 2 millions à peine en France). La question est de savoir ici quels mécanismes – légaux – sont le mieux à même de promouvoir l’acceptabilité et la confiance des citoyens, au regard du nécessaire équilibre entre protection des données personnelles et recherche de l’intérêt général en termes de santé publique.

Les craintes exprimées ainsi de manière plus indirecte que directe sont l’indice d’une méfiance, quant au respect des libertés publiques. Pourtant, nous disposons d’outils, à la fois opérationnels et juridiques, pour protéger des excès potentiels, avec d’un côté de la Commission Nationale de l’Informatique (CNIL) et de l’autre le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Le problème se situe plutôt dans une bonne application de leurs dispositions !

Peut-être est-ce justement une piste d’amélioration : la CNIL est aujourd’hui saisie pour avis préalable mais elle est très peu outillée pour contrôler la mise en œuvre des dispositifs agréés et le respect des conditions parfois imposées au déploiement des outils (même si elle dispose d’un pouvoir de sanction). Il conviendrait qu’un pouvoir d’investigation soit donné à la CNIL, ce qui en ferait une autorité indépendante de plein exercice.

Un autre danger qui nécessite une législation efficace se trouve dans les usages peu contrôlés des GAFA : Google, Apple Facebook et Amazone. Ces sociétés rentabilisent leurs investissements par leur accès aux données personnelles. Une forme de démission s’en déduit, devant la protection des données personnelles.

Nous devons veiller au contraire au respect du secret professionnel et de la vie privée et renforcer en particulier le contrôle des données de santé et du secret professionnel (en sanctionnant la communication de données relevant de ces sphères, quitte à déclarer nulles car contraires à des règles d’ordre public tous les accords signés par des utilisateurs de terminaux et/ou d’applications).

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